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24 novembre 2006 5 24 /11 /novembre /2006 14:45
Pythagore est un mathématicien grec de la fin du 6è siècle avant J.-C. Né dans l'île de Samos, il partit fonder une école proche d'une secte à Crotone, dans le sud de l'actuelle italie.

  Pythagore y étudiait les mathématiques, la musique, ou la philosophie. Il professait ainsi toutes sortes d'idées, comme la métempsychose (possibilité de renaître, après la mort, sous la forme d'un autre être vivant, et ainsi d'avoir plusieurs vies).Les disciples rapportaient toutes leurs découvertes scientifiques au maître, de sorte qu'on ne peut plus distinguer à ce jour les inventions de Pythagore et celles de ses disciples. L'école avait également une activité politique, en faveur du régime aristocratique, ce qui finit par déclencher une émeute populaire au cours de laquelle l'école fut détruite.

  On connaissait la propriété de Pythagore "Dans un triangle rectangle, le carré de l'hypothénuse est égal à la somme des carrés des deux autres côtés." bien avant cette époque. On a en effet découvert des tablettes d'argile gravées par les Babyloniens, probablement vers 1800 av J-C, donnant les longueurs des côtés de 15 triangles rectangles différents.

  Ce serait du vivant de Pythagore que son nom serait associé à la fameuse relation, et la légende rapporte que Pythagore en fut si fier qu'il sacrifia aux dieux une hécatombe, c'est-à-dire 100 boeufs. L'école de Pythagore a peut-être été la première à donner une preuve du théorème. Depuis, les Chinois, les Hindous, les Arabes, les Occidentaux (parmi lesquels Léonard de Vinci) ont imaginé des centaines de démonstration. Dans un livre, The Pythagorean proposition, Elisha Scott Loomis en a réuni 370.

On doit à Abraham Garfield (1831-1881) qui fut le vingtième Président des Etats-Unis, une démonstration du théorème de Pythagore, basée sur la figure suivante :

  L'aire du trapèze BCDE est : (a+b)×(a+b)/2=a2/2+b2/2+ab. Mais l'aire du quadrilatère BCDE est aussi la somme de l'aire des 3 triangles ABC, ACD, ADE. Mais :

  • l'aire de ABC est : ab/2.
  • l'aire de ACD est : c2/2.
  • l'aire de ACE est : ab/2.

  En égalisant les deux calculs, on trouve a2+b2=c2.   Lorsqu'on dispose d'une loi de composition × sur un ensemble E, on construit souvent un tableau qui résume l'effet de cette loi. A cet effet, on dispose dans un tableau dans la colonne de gauche et dans la première ligne les éléments de E. Puis, pour une case située à l'intersection de la ligne x, et de la colonne y, on écrit le composé x×y. On vient ainsi de construire ce que l'on appelle la table de Pythagore de la loi de composition.

 

 

  La grande table de multiplication de notre enfance est une sorte de table de Pythagore!

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24 novembre 2006 5 24 /11 /novembre /2006 14:33
Héros grec, roi légendaire d'Ithaque, Ulysse ou Odyssée ( OdusseuV) était le fils de Laërte et d'Anticlée; une autre tradition lui donnait Sisyphe pour père. Elevé à Ithaque, il en devint roi du vivant de son père. Il avait été l'un des prétendants d'Hélène mais il épousa Pénélope dont il eut un fils, Télémaque.

Quand on parla d'entreprendre une expédition contre Troie il chercha à se dérober, et joua la folie; mais Palamède déjoua la ruse.

Ulysse découvrit à Scyros le jeune Achille, caché sous des habits de femme à la cour de Lycomède. Puis il se rendit à Aulis avec douze navires, qui portaient les contingents d'Ithaque, de Zacynthe et des côtes d'Epire. Il se distingua pendant tout le siège de Troie:
-protégea Diomède blessé,
-tua Dolon,
-pénétra avec Diomède jusque dans Troie,
-s'empara des chevaux de Rhésos,
-ramena de Lemnos Philoctète,
-triompha des deux Ajax dans les jeux funéraires en l'honneur de Patrocle,
-réconcilia Achille et Agamemnon,
-obtint les armes d'Achille,
-prit place dans le cheval de bois et contribua beaucoup à la prise de Troie,
-enleva le Palladion (ou Palladium).

Ulysse
Ulysse enlevant le Palladion

C'était une statue en bois de Pallas qui était tombée du ciel près de la tente d'Ilos et devait assurait la protection de Troie. Elle fut dérobée par Ulysse et Diomède. Mais on prétendait que Dardanos en avait fait une copie. L'original fut transporté en Italie par Enée et placé dans un sanctuaire ouvert seulement aux pontifes et aux vestales

Bateau

Apres la victoire des Grecs, il voulut revenir à Ithaque. Mais il erra de rivage en rivage pendant dix ans, et eut mille aventures, qui font le sujet de l'Odyssée, avant de rentrer dans son palais et d'y tuer les "prétendants".

D'après la Télégonie d'Eugamon de Cyrène, Ulysse entreprit plus tard un voyage en Thesprotide, et même y oublia Pénélope pour s'y remarier. De retour à Ithaque, il fut tué par Télégonos, un fils qu'il avait eu de Circé. Télégonos épousa Pénélope, et Télémaque, Circé. Ulysse est un des plus célèbres héros du cycle de Troie, avisé, même rusé, habile, éloquent, plein de ressources, au courage prudent et sûr de lui.

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24 novembre 2006 5 24 /11 /novembre /2006 13:47

A la croisée des chemins entre Age Of Empires et Civilization, Rise Of Nation nous propose de retrouver toute l'intensité des jeux de stratégie au tour par tour mais également de la STR. Au programme, 18 nations à représenter et pas moins de 6000 ans d'histoire à couvrir. Chaque faction dispose d'unités spéciales et d'avancées technologiques propres, le gameplay offre donc un rien de diversité en fonction du peuple que l'on a décidé d'incarner. Dans la pratique, on retrouve la bonne vieille méthode consistant à éliminer tout le monde pour s'assurer de la victoire, point intéressant, il sera également possible de remporter une partie en se développant plus vite que les autres ou en dominant au niveau territorial. Les unités proposées sont en grand nombre et l'on se félicite de noter qu'elles sont assez diversifiées au fil des âges en venant se remplacer les unes et les autres.

Mais si Rise Of Nations propose pas mal de bons arguments au niveau de son gameplay, on regrettera toutefois sa réalisation qui semble légèrement dépassée. Le titre est loin d'être laid, qu'on se rassure mais on ne peut que constater son léger retard par rapport à certaines productions récentes dans la catégorie. Quoi qu'il en soit on retrouve différents niveaux de zooms assez pratiques et une interface de jeu à la fois sobre et efficace. Côté animations et détails des unités on affichera encore une légère déception avec des personnages qui manquent de pêche et de réalisme dans leurs mouvements. En termes de prise en main, pas de panique. Que l'on soit adepte du genre ou novice, les commandes sont accessibles et claires. Différents didacticiels permettent par ailleurs de se familiariser avec le jeu. Au niveau des modes de jeu tout le monde devrait y trouver son compte avec un titre qui propose de disputer des parties avec batailles rapides ou encore les campagnes de conquête du monde ainsi que les scénarios. Le mode multijoueur n'est pas oublié avec des parties jusqu'à huit que ce soit en réseau local ou via Internet. Dans ces parties, la dimension de gestion est quelque peu allégée avec une collecte des ressources moins fastidieuse et un système de jeu qui privilégie l'action et les escarmouches. Il faut dire que de manière globale, le jeu de STR se veut assez simple avec par exemple des villageois qui iront d'eux-mêmes au travail au bout de quelques secondes d'inactivité. Bref, on ne se prend pas le chou avec Rise Of Nations, titre qui laisse la part belle aux batailles sans imposer une gestion trop lourde de la nation.

Le passage dans les différents âges offre pas mal de fun et de diversité dans les parties, on découvrira avec bonheur des unités militaires qui deviennent de plus en plus puissantes au fil du temps tout en nécessitant une arborescence des constructions et des recherches assez simple dans l'ensemble. Certaines nations disposent de quelques avantages au niveau de leur développement, on verra par exemple les allemands bâtir certaines structures plus rapidement que les autres.

Au final si Rise Of Nations ne propose rien d'exceptionnel, il reprend de façon efficace les grands standards du genre. En résulte un titre particulièrement attrayant en dépit de sa réalisation décevante. C'est dans la richesse de son gameplay que résident les principaux atouts du titre de Big Huge Games avec en plus des modes de jeu assez sympathiques et du multijoueur pas prise de tête. Bref, un titre qui devrait se faire apprécier des fans de la catégorie qui découvriront une intéressante alternative à Civilization ou Age Of Empires avec un jeu à mi chemin entre stratégie en temps réel et au tour par tour.

 

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24 novembre 2006 5 24 /11 /novembre /2006 13:42

L'idéal démocratique trouve son origine dans la Grèce antique à l'âge classique (Ve et IVe siècles av. J.-C.). Il s'agit alors à la fois d'une philosophie et d'une expérience politique, avec l'exemple d' Athène(réforme de Clisthène en 508 av. J.-C.).

Cependant, si la démocratie antique préfigure des principes de la démocratie moderne, son influence sera négligeable sur l'avènement des premières démocraties libérales à la fin du XVIIIe siècle aux Etats-Unis, en France et en Grande-Bretagne.  

 

La démocratie comme système de gouvernement a succédé à un vaste mouvement intellectuel qui, des canonistes du Moyen Age aux philosophes des Lumières, tente de substituer à l'ordre ancien une conception nouvelle de l'Homme et du politique.  

Le contexte intellectuel
Fondé sur la valorisation de l'individu et sur l'égalité juridique, l'idéal démocratique moderne émerge à l'aube du XVIII
e siècle d'une nouvelle conception de l'Homme: libre et doué de volonté autonome, celui-ci n'est plus soumis à la divine Providence. La liberté est définie comme une faculté inhérente à la personne humaine et se réalise pleinement à travers la reconnaissance de droits naturels, inaliénables et sacrés. Cette conception, qui ébranle la société d'ordres et de privilèges de l'Ancien Régime, est solennellement affirmée dans la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen de 1789, qui proclame que «les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droit».  

Pour la philosophie politique moderne, l'acte fondateur qui établit les liens entre l'individuel et le collectif est le «contrat social», terme par lequel Hobbes et Rousseau désignaient l'association volontaire des individus pour former une société. Mais l'idéal démocratique ne peut s'accomplir que si les individus, désormais libres, sont protégés à l'égard du pouvoir, car l'Homme est doté aussi bien de droits naturels que de droits politiques. Alors que Rousseau déduit de ce principe la nécessité d'instaurer la démocratie directe, où chaque individu est détenteur d'une parcelle de souveraineté qu'il ne peut déléguer à autrui, les expériences démocratiques occidentales s'écarteront de cette conception impossible à mettre en œuvre dans les grands Etats et les sociétés modernes complexes.  
 



Les grands principes d'organisation du pouvoir - fondés sur une définition restrictive du peuple, sur le système représentatif et sur le caractère exclusivement politique de la démocratie - auxquels se référaient les premières démocraties relèvent d'un large courant intellectuel issu de Locke et de Montesquieu.  

 

Une démocratie parlementaire
Selon la doctrine de la démocratie libérale, le peuple souverain ne s'identifie nullement avec la réalité sociologique de l'ensemble des individus. En effet, dans le souci de n'accorder des droits politiques qu'à des individus jouissant d'une autonomie réelle, donc détachés des contraintes matérielles (tels les propriétaires ou les personnes payant un impôt) et des liens de dépendance sociale, les pères fondateurs des institutions américaines comme les révolutionnaires de 1789 vont prôner le suffrage censitaire. Si en France le suffrage universel masculin est admis dès 1848, les Etats-Unis n'ont renoncé qu'en 1964 au système des «poll-taxes», qui maintenait dans certains Etats un cens électoral. Par ailleurs, à la notion de «peuple», la doctrine libérale substitue celle de «nation», conçue comme un être abstrait, indépendant des contingences économiques et sociales (Sieyès). Erigée en souverain, la nation ne peut s'exprimer que par l'intermédiaire de représentants.

Dans le système de démocratie représentative adopté par les sociétés modernes, les citoyens n'exercent donc qu'indirectement le pouvoir. Par l'intermédiaire d'élections aux modalités diverses, ils désignent ceux qui seront chargés d'exprimer leur volonté. Les rapports entre les individus et le pouvoir sont ainsi médiatisés. Les représentants élus déterminent la loi imposée à tous. Dès lors, la démocratie libérale prend la forme d'une démocratie parlementaire, où tout un ensemble de mécanismes institutionnels - séparation des pouvoirs (conformément à la théorie de Montesquieu), soumission des gouvernants à la loi, élections libres, respect des droits de l'Homme - protège la société contre l'arbitraire du pouvoir.  

Une démocratie politique
Enfin, l'action du pouvoir libéral se limite à la sphère politique, qui est nettement dissociée du champ économique et social. Pour les libéraux, la démocratie a pour finalité de garantir l'épanouissement des droits inhérents à la personne humaine: le pouvoir doit assurer par des moyens légaux le respect des libertés afin que les relations sociales entre les individus, juridiquement égaux, se développent librement. Les individus ne doivent compter que sur eux-mêmes pour réaliser leur destinée. Contrairement à la démocratie américaine, très attachée dès sa naissance à la vie associative, au lendemain de l'Ancien Régime, caractérisé par ses corporations et ses confréries, les groupements et associations sont interdits en France. Mais les bouleversements socio-économiques du XIX
e  siècle infléchiront considérablement la doctrine de la démocratie libérale.  

La «démocratie socialiste»
Les transformations de la vie économique à la suite des révolutions industrielles, l'aggravation des conditions matérielles de toute une catégorie de la population et le développement des mouvements sociaux au XIX
e  siècle ont conduit à une critique globale et radicale des principes de la démocratie libérale par le socialisme. Partant de l'analyse de la condition ouvrière, le marxisme met en évidence le fait que la démocratie n'a pu empêcher l'exploitation de l'homme par l'homme. Selon le marxisme, l'Etat n'est pas la nation organisée avec le consentement de tous, mais le produit de l'antagonisme des classes et un instrument d'oppression aux mains de la classe possédante. Il considère que les libertés ne sont pas des attributs immanents de la personne, mais qu'elles doivent être conquises en même temps qu'une nouvelle structure économique et politique qui, à terme, amènera même la disparition de l'Etat.  

Mais les «démocraties socialistes» instaurées selon les principes léninistes, loin d'évoluer vers une société sans Etat, vont au contraire renforcer les institutions étatiques, soumises au contrôle exclusif du parti, qui dirige et maîtrise le choix des responsables politiques. Le régime fonctionne sur une base autoritaire et policière, et tout mouvement critique est jugé subversif. La société totalitaire a remplacé la démocratie. L'idéal socialiste de justice et de solidarité a fait place à l'autocratie d'une caste de privilégiés du parti.   
 


Les démocraties occidentales et les principes libéraux auxquels elles se réfèrent ont connu au cours du XX e  siècle d'importantes mutations. La plus importante d'entre elles est le renoncement au principe de la dissociation du politique et de l'économique et la reconnaissance des droits sociaux.  

L'extension du modèle libéral
Le modèle de la démocratie libérale a été peu à peu appliqué dans l'ensemble des Etats de l'Europe et dans quelques Etats nouveaux nés après les décolonisations du XIX
e et du XX e  siècle. Cette consécration internationale des principes démocratiques, en particulier des droits de l'Homme, s'est traduite par la Déclaration universelle des droits de l'Homme, adoptée le 10 décembre 1948 par l'Assemblée générale des Nations unies puis, en 1966, par deux pactes, l'un relatif aux droits civils et politiques, et l'autre aux droits économiques, sociaux et culturels. Dans le cadre européen, une convention de sauvegarde des droits de l'Homme a été signée à Rome le 4 novembre 1950.  

Les démocraties occidentales ont reconnu peu à peu le peuple réel comme titulaire de la souveraineté. Ainsi, le suffrage universel a été adopté par tous les régimes libéraux, et de grandes organisations politiques (partis) et sociales (syndicats) se sont constituées: outre la garantie des libertés individuelles, la démocratie libérale a admis l'existence de libertés collectives, telles que la liberté d'association et de réunion.  

La conception classique du rôle des individus dans le champ politique se trouve ainsi considérablement modifiée et les règles politiques sont bouleversées: certaines grandes organisations se posent en rivales du pouvoir, au point que les nouveaux partis de masse menacent l'équilibre antérieur. Désormais, les assemblées législatives sont structurées à partir des forces politiques, et le fonctionnement du pouvoir est soumis au jeu des coalitions. Aussi, le pluralisme des opinions est une règle de gouvernement qui va, dans certaines circonstances, fragiliser le pouvoir.  

La transformation du pouvoir
Les démocraties libérales se caractérisent à l'heure actuelle par la multiplication des organisations politiques, sociales et économiques. La société démocratique se structure en groupes d'intérêts qui médiatisent presque complètement les rapports des individus au pouvoir. Parallèlement, la croissance du rôle de l'Etat semble avoir atteint ses limites. Face à cette évolution, certains proposent un retour aux sources du libéralisme, c'est-à-dire à «moins d'Etat».  

Les associations comme contre-pouvoir
Le rôle accru des organisations politiques et sociales dans le jeu politique modifie les règles de la démocratie. Les groupes s'érigent en contre-pouvoirs et prennent leur autonomie vis-à-vis du pouvoir politique, sur lequel ils agissent directement en négociant avec les gouvernants au nom des intérêts de leurs membres. La démocratie tend ainsi à se transformer en un vaste ensemble d'organisations corporatistes, où la puissance remplace la légitimité. Dans ce cadre, la décision politique apparaît moins comme le résultat d'une délibération que comme le fruit de la mise en œuvre d'un réseau de clientèles, et d'une négociation entre les partenaires publics et les groupes d'intérêts. En somme, les associations les plus puissantes tentent - et elles y parviennent souvent - d'imposer leur volonté. Cette crise du pouvoir traverse toutes les démocraties occidentales et donne lieu, paradoxalement, à la reconstitution de féodalités au sein de la société démocratique, modifiant le sens initial du pluralisme et de la légitimité politique.  

La technocratie
Alors que le renforcement de l'Etat depuis le début du XIX
e  siècle avait contribué à accroître le rôle du gouvernement et de l'administration, le pouvoir technocratique, dans les Etats de la fin du XXe siècle, a tendance à se substituer aux élus. Les experts détiennent une place toujours plus grande dans le processus de décision et développent un réseau de relations avec les groupes pour dégager des compromis. La négociation contractuelle risque ainsi de remplacer systématiquement la délibération, traditionnellement appelée à réguler les intérêts conflictuels.  

L'évolution de la société démocratique se caractérise également par la réduction de la participation politique des citoyens, due en partie à la chute des idéologies mobilisatrices, qui s'accompagne à son tour d'une crise de légitimité des institutions politiques. Ce «déficit démocratique» est souvent comblé par une plus grande personnalisation du pouvoir. A ce phénomène s'ajoute le coût des campagnes électorales, qui mobilisent de plus en plus de moyens financiers. Aussi le rôle excessif des moyens de communication et de l'argent empêche-t-il souvent un débat politique équitable.  

La crise de l'Etat-providence
La crise de l'Etat-providence va de pair, depuis les années 1970, avec la résurrection du néolibéralisme. Ce phénomène s'explique pour une grande part par le rôle toujours croissant de l'Etat, bien qu'il devienne de plus en plus difficile de financer son fonctionnement. Les budgets sont en crise et les dépenses publiques sont devenues incontrôlables. Le recours à des mesures d'économie ponctuelles pour assurer la survie d'un Etat devenu tentaculaire n'étant pas une solution suffisante, certains théoriciens néolibéraux (Hayek, Rawls) estiment que l'Etat doit s'effacer pour que la société civile retrouve le jeu normal des relations libres.  

Les graves difficultés auxquelles sont confrontées les démocraties libérales imposent ainsi une nouvelle réflexion sur l'équilibre nécessaire entre la liberté individuelle et la solidarité des citoyens. Cependant, comme en témoigne la chute du système communiste en 1990, quelles que soient les difficultés présentes, les valeurs démocratiques demeurent la principale référence de toute société qui se réclame de la liberté.  

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24 novembre 2006 5 24 /11 /novembre /2006 13:39


Durant ses premières années d'existence, le nouveau régime subordonne sa victoire à celle de la révolution mondiale, sans laquelle le communisme russe, proclamé dans un pays socialement arriéré et encerclé par les puissances capitalistes, n'aurait aucune chance de l'emporter. Lors de sa fondation à Moscou, en mars 1919, l'Internationale communiste (IC; en russe, Komintern ) se donne pour mission de coordonner l'action des mouvements révolutionnaires pour préparer l'avènement du nouvel ordre mondial. Le II e  congrès de l'IC, tenu en 1920, adopte le principe de créer «un seul parti communiste ayant des branches dans chaque pays».

 

Lénine et Trotski élaborent les 21 conditions d'admission à l'IC. Mais, dans la pratique, la priorité donnée au développement des forces révolutionnaires dans le monde, ardemment défendue par Trotski, est abandonnée avant même l'éviction politique de ce dernier. Et la montée au pouvoir de Staline, partisan de «la construction du socialisme dans un seul pays», consacre bientôt la subordination du Komintern aux intérêts de l'URSS.

Dans les années 1930, l'organisation devient un pur instrument aux mains de l'Etat soviétique, qui téléguide la politique des partis communistes étrangers. A partir de 1936, ses principaux dirigeants disparaissent, victimes des purges. Lorqu'il est officiellement dissous, en 1943, afin de rassurer les Alliés, le Komintern n'est plus qu'une organisation fantôme.  


Dès le début des années 1920, l'Etat soviétique cherche à normaliser ses relations internationales. Le traité de Rapallo, signé avec l'Allemagne en 1922, inaugure une décennie d'échanges privilégiés avec ce pays, qui constitue le principal partenaire occidental de l'URSS.

En revanche, les relations du gouvernement soviétique avec la France et la Grande-Bretagne restent distantes en dépit de la reconnaissance de jure de l'URSS par ces Etats, en 1924. Jusqu'à l'avènement de Hitler, la politique extérieure de Staline s'inspire de la théorie léniniste selon laquelle les «contradictions interimpérialistes» ne peuvent que renforcer la position de l'URSS dans le monde. Toutefois, cette orientation change à partir des années 1933-1934: face à l'accroissement des tensions internationales suscitées par la montée au pouvoir du parti nazi, Moscou entre dans le jeu de la sécurité collective engagé par les puissances occidentales.

L'Union soviétique multiplie les traités de non-agression et d'assistance avec les Etats d'Europe et adhère à la Société des Nations (SDN) en 1934. Après avoir violemment condamné toute collaboration avec les sociaux-démocrates européens, Staline prône un front des forces antifascistes et intervient activement dans la guerre civile espagnole.

Mais la passivité des démocraties occidentales au moment de l'Anschluss renforce sa méfiance à l'égard des pays alliés, dont il craint toujours un revirement dirigé contre l'Etat soviétique. L'abandon de la Tchécoslovaquie signe la faillite de la politique de sécurité collective et détermine le rapprochement soviéto-allemand. Il se concrétise le 23 août 1939 par la signature d'un pacte de non-agression, assorti de clauses secrètes sur les zones d'influence en Europe de l'Est. Le pacte germano-soviétique met en évidence le primat des intérêts géostratégiques sur les orientations idéologiques des deux Etats.

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24 novembre 2006 5 24 /11 /novembre /2006 13:35

 

La Place Rouge

C'est la place la plus impressionnante qui marque le centre de Moscou. Elle est entièrement pavée et bordée par la Basilique de Basile le Bienheureux, le musée d'histoire avec la porte de la Résurrection et le Kremlin

Le nom de la place ne vient pas de la couleur des briques rouges environnantes, ni du lien entre cette couleur et le communisme. Une traduction plus exacte de son nom russe serait d'ailleurs la « Belle Place » : en russe ancien krasny (красный/-ая) signifie à la fois rouge et beau, et doit ici être compris dans ce dernier sens, maintenant archaïque (beau devient krasivy (красивый/-ая) en russe moderne). L'adjectif fut d'abord appliqué à la Basilique de Basile le Bienheureux, la place elle-même étant alors appelée Pojar (en russe de l'incendie) jusqu'au XVIIe siècle, en référence au fait que sa création résulte de l'incendie qui ravage Moscou en 1493, Yvan III décidant alors pour prévenir tout nouvel incendie de faire détruire les nombreuses constructions de bois situées sur ce qui allait devenir la place Rouge. Plusieurs anciennes villes russes comme Souzdal, Ielets, ou Pereslavl-Zalesski ont aussi leur place principale nommée Krasnaya plochtchad.

L'emplacement de la place Rouge était auparavant occupé par les faubourgs de la forteresse du Kremlin. Suite au grand incendie de 1493, les habitations ne sont pas rebâties et la place Rouge devient un lieu de commerce. Le lieu devient le théâtre de grandes manifestations telles que le couronnement des tzars.

Elle fut agrandie en 1936 par la destruction de la cathédrale Notre-Dame-de-Kazan et de la Porte de la Résurrection, ordonnée par Staline. Ces monuments ont été depuis reconstruits sur leur emplacement d'origine. Selon la légende, il était également prévu de détruire la Basilique de Basile le Bienheureux, mais lorsque l'architecte Lazare Kaganovitch présenta à Staline un maquette de la place sans la basilique, celui-ci lui répondit « Lazare, remet-la! ».

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24 novembre 2006 5 24 /11 /novembre /2006 13:20

 

En effet les couleurs et les formes nous transportent dans un univers féérique unique au monde. La basilique fut contruite sous l'ordre d'Ivan le Terrible dans les années 1560 pour commémorer ses victoires. Elle est constituée de 9 chapelles et une légende raconte qu'Ivan le Terrible fit crever les yeux des architectes pour les empêcher de construire ailleurs le même chef-d'oeuvre.

 

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24 novembre 2006 5 24 /11 /novembre /2006 12:49

Enfield No.2 Mk I


Le Enfield No.2 Mk1 était le révolver le plus répandu au sein des forces britanniques et du Commonwealth

Enfield No.2 Mk I

Typerévolver
Année1926
Longueur totale260 mm
Longueur du canon127 mm
CartoucheSAA de 0.380 pouce (9.65 mm)
Poids0.767 kg
Vitesse initiale183 m/s
Capacité du chargeur6 cartouches

Webley Mk IV


Le Webley a été développé à partir du Enfield, mais ne fut pas accepté par l'armée. Il fut néanmoins mit en production pour les besoins de la guerre.

Webley Mk IV

Typerévolver
Annéependant la guerre
Longueur totale267 mm
Longueur du canon127 mm
CartoucheSAA de 0.380 pouce (9.65 mm)
Poids0.767 kg
Vitesse initiale183 m/s
Capacité du chargeur6 cartouches

Lanchester


Lanchester

Lanchester

Typepistolet-mitrailleur
Année1940
Longueur totale851 mm
Longueur du canon203 mm
Cartouche9 mm
Poids4.340 kg
Vitesse initiale380 m/s
Capacité du chargeur50 cartouches
Cadence de tir600 coups/min


Sten Mk II


Sten Mk IV

Sten Mk II

Typepistolet-mitrailleur
Année1940
Longueur totale762 mm
Longueur du canon197 mm
Cartouche9 mm Parabellum
Poids3.700 kg
Vitesse initiale365 m/s
Capacité du chargeur32 cartouches
Cadence de tir550 coups/min

cette arme avait tendance a s'enrayer

Bren


Bren

Bren

Typefusil-mitrailleur - mitrailleuse légère
Année1937
Longueur totale1156 mm
Longueur du canon635 mm
Cartouche0.303 British (7.7 mm)
Poids10.030 kg
Vitesse initiale744 m/s
Alimentationchargeur de 20 cartouches
Cadence de tir500 coups/min


Vickers-Berthier Mk IIIB

Vickers-Berthier Mk III

Typefusil-mitrailleur
Année1925
Longueur totale1156 mm
Longueur du canon600 mm
Cartouche0.303 British (7.7 mm)
Poids11.100 kg
Vitesse initiale744 m/s
Alimentationchargeur de 30 cartouches
Cadence de tir450-600 coups/min

Vickers


Un des derniers modèles de Vickers

Vickers Mk I

Typemitrailleuse lourde
Année191?
Longueur totale1156 mm
Longueur du canon721 mm
Cartouche0.303 British (7.7 mm)
Poids18.100 kg
Vitesse initiale744 m/s
Alimentationbande 250 cartouches
Cadence de tir500 coups/min

Lifebuoy

Typelance-flammes
Année1942
Portée27-36 m
Poids29 kg
Durée de la flamme10 secondes
Capacité des réservoirs18.2 litres
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24 novembre 2006 5 24 /11 /novembre /2006 12:38

Smith & Wesson 0.38/200


Le Smith & Wesson 0.38/200 ne présentait pas de défauts majeurs

Typerévolver
Année1940
Longueur totale257 mm
Longueur du canon127 mm
CartoucheSAA 0.380 de 9.65 mm
Poids0.880 kg
Vitesse initiale198 m/s
Capacité du chargeur6 cartouches


Liberator M1942, conçu spécialement pour les résistants

Liberator M1942

Typepistolet
Année1942
Longueur totale140 mm
Longueur du canon102 mm
Cartouche.45 M1911 de 11.43 mm
Poids0.454 kg
Vitesse initiale366 m/s
Capacité du chargeur5 cartouches dans la poignée, mais pas de chargeur

Smith & Wesson M1917


Le Smith & Wesson M1917 fut mis en production à l'entrée en guerre des USA

Smith & Wesson M1917

Typerévolver
Année1917
Longueur totale274 mm
Longueur du canon140 mm
CartoucheM1911 de 11.43 mm
Poids1.020 kg
Vitesse initiale253 m/s
Capacité du chargeur6 cartouches


Le Colt de 1911, toujours en service dans l'armée américaine

Colt M1911 (Colt 45)

Typepistolet
Année1911
Longueur totale219 mm
Longueur du canon128 mm
Cartouche.45 M1911 de 11.43 mm
Poids1.360 kg
Vitesse initiale252 m/s
Capacité du chargeur7 cartouches


Reising Model 50

Reising M50

Typepistolet-mitrailleur
Année1940
Longueur totale857 mm
Longueur du canon279 mm
Cartouche11.43 mm
Poids3.700 kg
Vitesse initiale280 m/s
Capacité du chargeur12 ou 20 cartouches
Cadence de tir550 coups/min

Thompson M1928 et M1A1


Thompson M1A1

Typepistolet-mitrailleur
Année1928
Longueur totale813 mm
Longueur du canon267 mm
Cartouche11.43 mm
Poids4.740 kg
Vitesse initiale280 m/s
Capacité du chargeur20 ou 30 cartouches
Cadence de tir700 coups/min


UD M42

UD M42

Typepistolet-mitrailleur
Année193?
Longueur totale807 mm
Longueur du canon279 mm
Cartouche9 mm
Poids4.540 kg
Vitesse initiale400 m/s
Capacité du chargeur20 cartouches
Cadence de tir700 coups/min


M3A1

M3A1

Typepistolet-mitrailleur
Année1941
Longueur totale745 mm
Longueur du canon???
Cartouche9 mm ou 11.43 mm
Poids4.650 kg
Vitesse initiale280 m/s
Capacité du chargeur30 cartouches
Cadence de tir350-450 coups/min


La Browning .50 est une des armes les plus éficaces jamais conçues

Browning Calibre 50

Typemitrailleuse lourde
Année???
Longueur totale1654 mm
Longueur du canon1143 mm
Cartouche12.7 mm
Poids38.100 kg
Vitesse initiale884 m/s
Alimentationbande de 110 coups
Cadence de tir500 coups/min


BAR

Browning BAR

Typefusil-mitrailleur
Année1917
Longueur totale1214 mm
Longueur du canon610 mm
Cartouche7.62 mm
Poids8.800 kg
Vitesse initiale808 m/s
Alimentationchargeur de 20 cartouches
Cadence de tir600 coups/min à cadence élevée, et 400 coups/min cadence basse


Browning .30

Browning Calibre 30

Typemitrailleuse légère
Année1919
Longueur totale1346 mm
Longueur du canon610 mm
Cartouche7.62 mm
Poids14.740 kg
Vitesse initiale854 m/s
Alimentationbande de 250 coups
Cadence de tir500 coups/min

Lance flamme portable M1

Typelance-flammes
Année1942
Portée40-45 m
Poids31.800 kg
Durée de la flamme8-10 secondes
Capacité des réservoirs18.2 litres

Lance flamme portable M2-2

Typelance-flammes
Année1943
Portée22-36 m
Poids28-32.7 kg
Durée de la flamme8-9 secondes
Capacité des réservoirs18.2 litres
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24 novembre 2006 5 24 /11 /novembre /2006 11:26

 

I. La révolution russe

Événement politique majeur du XXe siècle, la révolution russe ou, plus exactement, les révolutions russes de l'année 1917 ont déterminé pour soixante-quatorze années (1917-1991) un cours nouveau dans l'histoire multiséculaire de la Russie, par une rupture radicale avec les structures politiques du tsarisme au profit d'un régime inédit qui donnait vie à toutes les utopies socialistes, si vigoureuses au début du siècle. D'une révolution spontanée qui renversa le tsarisme à la prise du pouvoir par le parti bolchevique, en passant par un bref intermède démocratique, se créèrent, en quelques mois, les conditions du succès d'une minorité agissante, dont l'action durant un bref mais décisif moment alla dans le sens des aspirations du plus grand nombre � la paix, la terre, le contrôle ouvrier � avant de diverger vers des décennies de dictature.

I.1. De la guerre à la révolution

Tous les contemporains en eurent, plus ou moins confusément, conscience : les événements révolutionnaires russes de l'année 1917 s'inscrivaient dans le grand cycle de bouleversements, de violences et de régression qui avait débuté le 1er août 1914, avec le déclenchement de la Première Guerre mondiale.
En moins de trois ans, la guerre fut une guerre totale, d'un type nouveau jusqu'a allait provoquer l'effondrement du tsarisme, agissant comme un formidable révélateur des faiblesses d'un régime qui apparaissait encore en 1914 puissant et stable, bien ancré dans la voie d'un développement capitaliste accéléré depuis le début du siècle. En août 1914 (défaite de Tannenberg ), puis en mai 1915 (évacuation de la Galicie), les armées russes subissent de très graves revers. Néanmoins, malgré la perte de centaines de milliers d'hommes et d'immenses territoires (Pologne, Lituanie, Galicie), le front russe ne s'effondre pas. La décomposition vient, en réalité, de l'arrière. La fermeture des détroits et le blocus économique de la Russie fragilisent une économie largement dépendante de ses fournisseurs étrangers, et qui n'avait pas été préparée à une longue guerre d'usure. Dès le début de 1915, faute de pièces de rechange, le système des transports est désorganisé ; tout entière tournée vers l'effort de guerre, l'industrie ne fournit plus l'arrière en biens de consommation. Dans les campagnes, les paysans ne parviennent plus à acheminer leurs productions vers les villes. Le pays s'installe dans l'inflation et les pénuries. Les rapports, toujours précaires et tendus, entre villes et campagnes, se détériorent. Le pouvoir ne maîtrise plus la situation. Le tsar est déconsidéré par les revers militaires � il a pris en personne le commandement suprême des armées en septembre 1915 � comme par l'emprise qu'exerce sur le couple impérial son favori, Raspoutine, un charlatan illuminé. Tandis que la Douma ne siège plus que quelques semaines par an, gouvernements et ministres se succèdent, tout aussi incompétents et impopulaires. La rumeur publique accuse la coterie dirigée par l'impératrice, d'origine allemande, et influencée par Raspoutine, de préparer une paix séparée et d'ouvrir sciemment le territoire national à l'invasion étrangère. Devant la dissolution du pouvoir, s'organisent de toutes parts comités et associations de citoyens qui prennent en charge la gestion du quotidien : soins aux blessés (Comité de la Croix-Rouge), ravitaillement des villes et de l'armée (Union des villes, Union des zemstvos [assemblées locales]). Les Russes se gouvernent eux-mêmes : la révolution a déjà, en quelque sorte, commencé. À la fin de l'année 1916, la situation politique devient très confuse : dans une atmosphère de crise politique révélée au grand jour par l'assassinat de Raspoutine (31 décembre 1916) perpétré par un membre de la famille impériale, les grèves, tombées à un niveau négligeable en 1914, reprennent de l'ampleur (un million de grévistes en 1916), l'agitation gagne l'armée, la désorganisation des transports compromet le ravitaillement, en particulier dans les villes gagnées par un afflux de réfugiés en provenance des régions occidentales du pays, occupées par l'ennemi. C'est un régime à la fois discrédité et affaibli que viennent surprendre les « journées » de février 1917.

I.2. La révolution de février 1917 et la chute du tsarisme

Spontanéité et improvisation caractérisent les journées de février 1917. Certes, au début de 1917, la crise politique que connaît le régime tsariste est profonde. Néanmoins, ni l'opposition modérée, ni l'opposition révolutionnaire, ni les « masses » de Petrograd, dont le rôle sera capital durant les événements de février ne semblent prêtes à une révolution, qui, en quelques jours, emporte une dynastie tricentenaire. Les premiers incidents graves de l'année 1917 éclatent le 20 février, après que les autorités de Petrograd eurent annoncé la mise en place d'un système de rationnement, la ville ne disposant de réserves de farine que pour quelques jours. Le même jour, la plus grande entreprise de Petrograd, l'usine d'armement Poutilov, en rupture d'approvisionnement, annonce le licenciement de milliers d'ouvriers. « Du pain, du travail ! » � ces exigences économiques sont le déclencheur d'un mouvement revendicatif spontané qui, au départ, n'a rien de révolutionnaire.
Le 23 février, la Journée internationale des femmes � une date importante dans le calendrier socialiste � offre aux masses un prétexte pour manifester. Plusieurs cortèges de femmes défilent dans le centre-ville : étudiantes, employées, ouvrières du textile des faubourgs ouvriers de Vyborg. Au fil des heures, les rangs des manifestants grossissent, les slogans prennent une tonalité plus politique. Le lendemain, le mouvement de protestation s'étend : près de cent cinquante mille ouvriers grévistes convergent vers le centre-ville. Débordés, n'ayant reçu aucune consigne précise, les cosaques ne parviennent plus à disperser la foule des manifestants. Des centaines d'attroupements se forment, des meetings s'improvisent.
Le 25 février, la grève est générale. Les manifestations s'amplifient encore, les mots d'ordre sont de plus en plus radicaux : « À bas le tsar ! », « À bas la guerre ! » Face à ce mouvement spontané venu de la rue, les rares dirigeants révolutionnaires présents à Petrograd restent prudents, estimant, comme le bolchevik Alexandre Chliapnikov, qu'il s'agit là plus d'une émeute de la faim que d'une révolution en marche. Dans la soirée du 25, le général Khabalov, commandant du district militaire de Petrograd, reçoit un télégramme de Nicolas II, envoyé du quartier général de Mogilev. Le tsar ordonne de « faire cesser par la force, avant demain, les désordres à Petrograd ». Le refus de toute négociation, de tout compromis va faire basculer ce qui n'est aux yeux de tous qu'une agitation sporadique, comme la ville en a connu régulièrement depuis 1905, en une révolution.
Le 26 février, vers midi, la police et la troupe ouvrent le feu, place Znamenskaïa, sur une colonne de manifestants. Plus de cent cinquante personnes sont tuées. Échaudée par ce massacre, la foule reflue vers les faubourgs. Le gouverneur proclame l'état de siège et ordonne le renvoi de la Douma. La cause semble être entendue.
Dans la nuit du 26 au 27 février se produit l'événement qui, en quelques heures, fait basculer la situation : la mutinerie de deux régiments d'élite (Volynski et Preobrajenski), traumatisés d'avoir tiré sur leurs « frères ouvriers ». En quelques heures, la mutinerie fait tache d'huile. Au matin du 27 février, soldats et ouvriers fraternisent, prennent l'arsenal, où ils s'emparent de dizaines de milliers de fusils, aussitôt distribués à la foule, occupent les points stratégiques de la capitale, saccagent les prisons.
Face à cette révolution populaire, spontanée, non maîtrisée, les « politiques » tentent d'organiser, de canaliser le mouvement. Aucun des grands leaders révolutionnaires n'étant présent à Petrograd (Lénine et Martov sont à Zurich, Trotski est à New York, Tchernov à Paris, Tseretelli, Dan et Staline en exil en Sibérie), c'est à des dirigeants de second plan qu'échoit la lourde responsabilité de diriger la révolution. Comme en 1905, la création d'un soviet � assemblée élue du « peuple travailleur et combattant » � pour fédérer ouvriers et soldats s'impose pour assurer le salut d'une révolution qui se cherche. C'est ainsi que, dans l'après-midi du 27 février, une cinquantaine de militants de tendances révolutionnaires différentes � bolcheviks, mencheviks, socialistes-révolutionnaires, travaillistes (socialistes-révolutionnaires de tendance modérée) � mettent sur pied un Comité exécutif provisoire des députés ouvriers. Ce comité appelle les ouvriers et les soldats de la garnison à élire leurs représentants.
Ainsi naît le soviet des députés ouvriers et soldats de Petrograd, bruyante assemblée de six cents députés environ, dirigée par un comité exécutif composé de révolutionnaires « professionnels » qui se sont cooptés.
Parallèlement à la constitution de ce soviet, se met en place un autre organe, plus traditionnel, de pouvoir. Un groupe de députés de la Douma forme, le 27 février également, un Comité provisoire pour le rétablissement de l'ordre et des rapports avec les institutions et les autorités. Pour ce comité, la priorité des priorités est le retour à l'ordre, et d'abord, le retour des soldats mutinés dans leurs baraquements.
Entre ce comité provisoire inquiet devant l'extension des « désordres » et un soviet troublé par la menace d'une contre-révolution s'engagent de longues négociations qui aboutissent, le 2 mars 1917, à un compromis. Le soviet reconnaît, en attendant la convocation d'une assemblée constituante, la légitimité d'un gouvernement provisoire à majorité libérale, composé, pour l'essentiel, de représentants du Parti constitutionnel-démocrate. Cette reconnaissance reste subordonnée à l'application, par le gouvernement provisoire, d'un vaste programme de réformes démocratiques, fondé sur l'octroi des libertés fondamentales, le suffrage universel, l'abolition de toute forme de discrimination, la suppression de la police, la reconnaissance des droits du soldat-citoyen et une amnistie immédiate de tous les prisonniers politiques.
Le compromis du 2 mars 1917 marque la naissance d'un double pouvoir, la coexistence, émaillée de conflits durant toute l'année 1917, de deux conceptions différentes de la légitimité et de l'avenir de la société russe. D'un côté, le pouvoir d'un gouvernement provisoire, soucieux de faire de la Russie un grand pays libéral et capitaliste et d'ancrer la vie politique russe dans la tradition européenne du parlementarisme ; de l'autre, le pouvoir des soviets, qui se veut non seulement une représentation plus directe, plus « révolutionnaire », des « masses », mais tente aussi d'instaurer une autre façon de faire de la politique.
Dans le compromis entre le Comité provisoire et le soviet, l'incertitude sur ce que serait l'attitude de Nicolas II et des militaires a joué un rôle majeur. À la surprise générale, l'état-major a fait pression sur Nicolas II pour que celui-ci abdique « afin de sauver l'indépendance du pays et assurer la sauvegarde de la dynastie ». Le 2 mars, Nicolas II renonce au trône en faveur de son frère, le grand-duc Michel. Devant la protestation populaire, celui-ci abdique à son tour (3 mars 1917). Les manifestations de liesse auxquelles donne lieu la nouvelle de la fin de la dynastie des Romanov témoignent de la désaffection du pays vis-à-vis du tsarisme. De ce point de vue, les défaites militaires des années 1915 et 1916 avaient porté un coup fatal au mythe du « tsar petit père », sérieusement ébranlé depuis le « dimanche rouge » de 1905.

I.2.1. La fin sanglante de la famille impériale

Nicolas II abdiqua donc en faveur de son frère (puisqu' Alexi était malade). Le 2 mars 1917 un gouvernement provisoire prit les commandes du pays. Le Tsar, soulagé, croyait pouvoir reprendre une vie normale, sans se soucier des tracas économiques de son pays. En réalité le tsar et sa famille vivaient dans une résidence constamment surveillée. Il souhaitait quitter la Russie et s'installer en Grande-Bretagne. Georges V refusa de les accueillir, n'osant prendre le risque de voir son pouvoir diminué par l'arrivée d'un Tsar en exil. Le reste de l'Europe adopte l'attitude des anglais.
L'abdication ne parvint pas à calmer le peuple, au contraire sa colère était de plus en plus virulente. Le bolchevisme gagnait les foules, les manifestations se propageaient et les soldats refusaient de continuer à mener cette guerre. Les appels démocratiques firent place à des slogans bolcheviques, qui réclamaient l'exécution du Tsar, jugé seul responsable de cette situation. Monsieur Kerenski, Ministre de la Justice refusa d'être le Marat de la Révolution russe. Il décida d'envoyer le Tsar et sa famille en Sibérie afin de la protéger.
En même temps, les Allemands préparaient l'arrivée de Lénine à Saint-Pétersbourg. Le 25 octobre 1917 les bolcheviques s'emparèrent du pouvoir, l'Armée rouge commença à semer la terreur au sein de la population : arrestations arbitraires, exécutions sommaires, déportations vers les goulags... Trotski demanda à Lénine le procès de l'empereur, avec comme Procureur Général lui-même. Un mandat signé par Lénine ordonna à Nicolas II de rentrer à Moscou sous le contrôle de Yakoulev. Le train fut détourné par les soviets, désireux de limiter au minimum les déplacements du Tsar. Finalement le train s'arrêta en Oural. Les conditions de détention étaient minables : manque d'intimités, logements précaires, alimentation insuffisante... Ils sont surveillés par Yourovski. Les bolcheviques étant de moins en moins populaires, se disputant le pouvoir avec les soviets, décidèrent d'annuler le procès et d'appliquer la peine capitale. Ils furent donc fusillés en Oural par Yourovski. En pleine guerre civile, les bolcheviques découvrirent l'horreur. Dominant la région, ils demandèrent à Sokolov d'enquêter sur ce drame. Il n'eut pas assez de temps pour la mener à terme. Cependant, son travail dévoila la manière dont cet assassinat se déroula. Le peuple était peu préoccupé par cette affaire, ne songeant qu'à enrayer la famine. La dictature bolchevique s'installa grâce à Staline : le sort de la famille fut étouffé. Cependant, quelques historiens, chercheurs et scientifiques ont tenté de percer le mystère (d'autant plus grand que venaient se greffer des hypothèses farfelues : survie d'Anastasia...) en marge de l'État. Leurs découvertes ont abouti : en juillet 1991, une enquête judiciaire est ouverte permettant l'exhumation des corps. Quatre expertises génétiques (une aux États-Unis, une en Grande-Bretagne, et deux en Russie) sont arrivées à la même conclusion: il s'agit bien des corps de la famille royale.
Aujourd'hui l'opinion est redevenue favorable à la Monarchie : Vladimir Kirilovitch Romanov a été accueilli en qualité d'héritier du trône de Russie par Eltsine, Leningrad a retrouvé son nom originel. Ils furent inhumés à Saint-Pétersbourg.

I.3. Le premier gouvernement provisoire (mars-avril 1917)

Formé le 2 mars, le premier gouvernement provisoire est présidé par le prince Georges Lvov, entouré d'une majorité de représentants éminents du parti constitutionnel-démocrate (Pavel Milioukov aux Affaires étrangères ; Nikolaï Nekrassov aux Transports ; AndreïChingarev và l'Agriculture). À la gauche de l'échiquier politique gouvernemental, Alexandre Kerenski, ministre de la Justice, est censé « faire le pont » entre le gouvernement et le soviet. En quelques semaines, ce gouvernement prend un train de mesures spectaculaires : libertés fondamentales, suffrage universel, amnistie générale, abolition de la peine de mort, suppression de toutes les discriminations de caste, de race ou de religion, reconnaissance du droit de la Finlande et de la Pologne à l'autodétermination. Malgré ces mesures réellement révolutionnaires, qui marquent une rupture radicale avec la culture politique de l'autocratie tsariste, le gouvernement doit faire face à une vague de revendications et d'actions difficilement contrôlables émanant des couches les plus diverses d'une société en révolution.
Les ouvriers demandent � et obtiennent, le plus souvent � la journée de huit heures, ainsi que des augmentations de salaire, vite absorbées néanmoins par une inflation galopante. Ils mettent sur pied des comités d'usine et des unités de « gardes rouges ». Les comités d'usine ont pour objectif de contrôler l'embauche et les licenciements, d'empêcher les patrons de procéder à des lock-out, sous prétexte de rupture d'approvisionnement, mais aussi de maintenir une certaine discipline du travail, de lutter contre l'absentéisme. Ces mesures constituent l'ébauche d'un contrôle ouvrier sur la marche des entreprises. Quant aux unités de gardes rouges, ce sont des milices ouvrières armées prêtes à défendre l'usine en tant qu'outil de travail des prolétaires, mais aussi à « défendre la révolution » contre ses « ennemis ».
Le gouvernement provisoire doit aussi faire face à l'agitation croissante qui gagne les armées. Dès le 1er mars 1917, le soviet de Petrograd a promulgué un texte fondamental, le Décret n° 1, véritable charte des droits du soldat. Ce texte abolit les règles de discipline militaire les plus vexatoires de l'ancien régime et permet aux soldats-citoyens de s'organiser en comités de soldats. Loin de se borner aux prérogatives, limitées, que leur donne le Décret n° 1, les comités de soldats outrepassent rapidement leurs droits, en viennent à récuser tel ou tel officier, prétendent en élire de nouveaux. Les unités sont progressivement gagnées par un « pouvoir soldat » qui déstabilise l'armée. Les désertions se multiplient. De mars à octobre 1917, plus de deux millions de paysans-soldats, fatigués de combattre, désertent. Leur retour au village alimente, à son tour, les troubles dans les campagnes.
Dans les villages, cependant, les désordres restent, durant le printemps de 1917, limités, surtout en comparaison avec ce qui s'était passé en 1905. La chute du tsarisme est l'occasion, pour les assemblées paysannes, de rédiger pétitions et motions exposant les doléances et les souhaits du peuple des campagnes. La question de la terre est au centre de tous les espoirs et de toutes les revendications. Les paysans exigent la saisie et la redistribution des terres de la Couronne et des grands propriétaires fonciers. Dans ces « cahiers de la révolution russe » (Marc Ferro) s'exprime avec force l'idéal paysan ancestral du « partage noir », en fonction des « bouches à nourrir ». Puisque la terre est un « don de Dieu », elle ne doit appartenir à personne. Chaque famille paysanne doit en avoir l'usufruit « à mesure de ce qu'elle peut mettre en valeur elle-même, sans l'aide de salariés ». Selon cette logique, « il ne sera laissé au grand propriétaire qu'un domaine qu'il peut cultiver lui-même, avec sa famille »
Pour donner vie à ce vieil idéal égalitaire, les paysans s'organisent, mettent en place des comités agraires, tant au niveau du village que du canton. Jusqu'au début de l'été de 1917, ces comités font encore confiance au gouvernement provisoire et au soviet de Petrograd pour résoudre rapidement le problème agraire. « La terre par la Constituante », telle est, sur cette question capitale, la politique du gouvernement : seule l'assemblée constituante, élue au suffrage universel, sera habilitée à légiférer sur la question agraire. Toute saisie illégale de terres sera sanctionnée. Entre une paysannerie de plus en plus impatiente et un gouvernement soucieux d'éviter l'anarchie et de prévenir les jacqueries, la méfiance, peu à peu, s'installe.
Pour le gouvernement provisoire, la question la plus urgente reste celle de la guerre. Les libéraux au pouvoir considèrent que seule une victoire de la Russie aux côtés des Alliés réussirait à amarrer solidement le nouveau régime aux démocraties occidentales et à assurer la cohésion d'une société en révolution. Aussi, dès le 4 mars 1917, Pavel Milioukov adresse-t-il une note aux Alliés dans laquelle il dit la détermination du nouveau gouvernement russe de poursuivre la guerre jusqu'à la victoire et l'annexion de Constantinople. Sur la question cruciale des buts de guerre, le soviet de Petrograd adopte une position différente de celle du gouvernement. Dans son Appel aux peuples du monde entier (14 mars 1917), le soviet de Petrograd se prononce pour une « paix sans annexions ni contributions ». Il prône le « défensisme révolutionnaire », qui s'efforce de concilier la « lutte des peuples contre les ambitions annexionnistes de leurs gouvernements » et le « maintien d'une politique défensiste préservant la combativité de l'armée ».
Seul de tous les dirigeants politiques, Lénine, contre l'opinion même de la majorité des bolcheviks, prédit la faillite du défensisme révolutionnaire et prône une rupture immédiate entre le soviet et le gouvernement provisoire. Décidé à tout prix à rentrer en Russie et aidé par le gouvernement allemand qui compte sur la force de déstabilisation du discours léniniste auprès d'une opinion publique russe qui doute de l'opportunité de poursuivre la guerre, Lénine quitte Zurich le 28 mars 1917, traverse, dans un wagon bénéficiant du statut d'exterritorialité, l'Allemagne, gagne la Suède et arrive, le 3 avril, à Petrograd. Il y présente (4 avril 1917) ses fameuses Thèses d'avril, vaste programme contre la poursuite de la guerre, contre le gouvernement provisoire, contre la république parlementaire. Lénine prône la nationalisation des terres, le contrôle ouvrier et le passage de « tout le pouvoir aux soviets ». Ces thèses radicales suscitent incompréhension et opposition au sein même du parti bolchevique, qui reste très divisé, tiraillé entre une base (marins de Kronstadt, gardes rouges des quartiers ouvriers de Petrograd) impatiente, voire prompte à l'aventure, et des dirigeants (Zinoviev, Kamenev hostiles à tout aventurisme).
Quelques jours après le retour de Lénine en Russie, les positions divergentes du soviet de Petrograd, dominé par les socialistes-révolutionnaires et les mencheviks, et du gouvernement provisoire, à majorité constitutionnelle-démocrate, débouchent sur une crise politique (« crise d'avril »). Le 18 avril 1917, Pavel Milioukov adresse une note aux Alliés réaffirmant que la Russie combattra « jusqu'à la victoire finale ». La position du soviet, pour une « paix sans annexions ni contributions », n'est même pas mentionnée. La rue se mobilise, exigeant la démission de Milioukov. D'imposantes manifestations où, pour la première fois, figurent des mots d'ordre bolcheviques (« Tout le pouvoir aux soviets ! ») contraignent Milioukov et Alexandre Goutchkov, le ministre de la Guerre, à démissionner.
Face à cette situation de crise, le soviet de Petrograd annonce son ralliement à un gouvernement de coalition, qui rassemblerait libéraux (constitutionnels-démocrates) et socialistes modérés (socialistes-révolutionnaires et mencheviks). Cette participation n'est pas exempte d'arrière-pensées : les libéraux espèrent tenir les socialistes modérés par leur participation aux responsabilités gouvernementales et à la conduite de la guerre, tout en utilisant leur influence conciliatrice sur les masses ; les socialistes espèrent obtenir des réformes et la cessation de la guerre, tout en déjouant les projets contre-révolutionnaires. L'entrée de six ministres socialistes, dirigeants du soviet de Petrograd (dont Tseretelli et Tchernov) dans le second gouvernement provisoire, laborieusement constitué le 5 mai 1917, modifie profondément la donne politique et remet en question le principe même du double pouvoir. Les lignes de clivage ne passent plus désormais entre le soviet et le gouvernement. Devenus les gestionnaires de l'État bourgeois, les socialistes modérés laissent l'initiative de la contestation aux bolcheviks à un moment où les tensions sociales s'exacerbent.

I.4. Le second gouvernement provisoire (mai-juillet 1917)

La question de la paix ou de la guerre reste au centre des préoccupations du gouvernement de coalition. Principal théoricien du défensisme révolutionnaire, le menchevik Tseretelli élabore un plan de paix en deux volets : intervention auprès des gouvernements des pays belligérants pour les rallier à la formule d'une paix sans annexions ; organisation, à Stockholm, d'une conférence de tous les partis socialistes européens pour les convaincre d'imposer un plan de paix générale à leurs gouvernements respectifs. Cet ambitieux et utopique projet avorte dès le mois de juin 1917.
Après avoir échoué sur le front de la paix, le gouvernement de coalition n'a guère plus de succès sur celui de la guerre. Malgré l'éloquence légendaire du nouveau ministre de la Guerre, Alexandre Kerenski, qui effectue une mémorable tournée sur le front dans l'espoir de remonter le moral des troupes, la grande offensive russe du 18 juin 1917, attendue avec impatience par les Alliés depuis le début de l'année, s'enlise, après d'éphémères succès initiaux, au bout d'une semaine, faute de matériel et de munitions. Le 2 juillet, les Empires centraux lancent une contre-offensive victorieuse, qui fait reculer le front russe de cent à deux cents kilomètres.
À l'arrière, les tensions sociales se font plus vives. Dans les villes, les patrons refusent aux comités ouvriers, de plus en plus décidés, le contrôle ouvrier qu'ils exigent, et répondent aux grèves par des lock-out. Dans les campagnes, les comités agraires durcissent leur attitude, saisissent matériel agricole et cheptel des propriétaires fonciers, s'approprient les terres inexploitées, réévaluent d'autorité les baux à la baisse. Parallèlement à ces actions concertées se multiplient les actes individuels de violation de la légalité. Pour éviter l'anarchie, le gouvernement est contraint d'envoyer des troupes pour rétablir l'ordre. Pour accélérer le règlement de la question de la terre, il convoque la première session du Comité agraire national.
Dans le même temps, les mouvements des populations allogènes se développent. Les musulmans tiennent leur premier congrès « panmusulman » à Kazan (1er mai 1917) ; les Ukrainiens se dotent d'un « secrétariat général », forment des régiments nationaux et évoluent vers le séparatisme. Dans cette effervescence, ce foisonnement de pouvoirs autoproclamés ou démocratiquement élus, les bolcheviks, en marge de tous les partis de gouvernement, attisent toutes les formes de contestation de l'ordre établi. Toujours minoritaires dans les syndicats et les soviets, largement dominés par les socialistes modérés, les bolcheviks acquièrent, pour la première fois, à la fin de mai 1917, la majorité à la conférence des comités d'usine de Petrograd, où ils défendent l'idée du contrôle ouvrier.
La manifestation du 18 juin 1917, organisée par le soviet de Petrograd pour soutenir sa politique, révèle la montée en puissance des bolcheviks dans la capitale. Émaillée de violents incidents entre socialistes modérés et bolcheviks, elle consomme la scission des révolutionnaires russes.
Le problème de la poursuite de la guerre constitue, comme en avril, le catalyseur des journées des 3 et 4 juillet. Le 3 juillet, plusieurs régiments de la garnison, gagnés par la propagande bolchevique et craignant d'être envoyés sur le front, décident de passer à l'action et de « donner tout le pouvoir au soviet ». Tandis que les leaders socialistes modérés du soviet de Petrograd tentent de calmer les ardeurs de la foule qui entoure le palais de Tauride, les dirigeants bolcheviques sont eux aussi débordés, divisés (Kamenev et Zinoviev prônent la modération, Lénine est hésitant, Staline et Chliapnikov sont tentés de forcer le destin). Durant toute la journée du 4 juillet, les manifestants, que personne n'encadre, demandent en vain au soviet de prendre le pouvoir. Dans la soirée, le gouvernement provisoire fait appel à des troupes sûres pour disperser, par la force, les manifestants. Accusé d'avoir fomenté un coup d'État, le parti bolchevique est interdit, ses dirigeants sont arrêtés. Lénine, qualifié d'« agent du Kaiser », parvient à s'enfuir en Finlande. Cette fuite accrédite sa culpabilité. Le parti bolchevique semble décapité.
À l'issue de cet épisode, le prince Lvov charge Kerenski de remanier le gouvernement. Après une longue crise ministérielle (6-23 juillet), Kerenski (qui garde le portefeuille de la Guerre) forme un gouvernement de salut révolutionnaire, où constitutionnels-démocrates, revenus en force, et socialistes modérés cohabitent tant bien que mal.

I.5. La crise de l'été de 1917

Durant l'été de 1917, le « pays réel » sombre peu à peu dans l'anarchie : l'économie, à bout de souffle après trois années de guerre, est quasi arrêtée ; les conséquences de cette faillite économique � chômage, inflation, problèmes de ravitaillement � pèsent sur un climat social de plus en plus tendu dans les villes. Dans les campagnes, les jacqueries se multiplient. Quant à l'armée, elle se délite rapidement, sous l'effet de mutineries et de désertions.
Face à cette situation, la tentation est grande, dans les milieux du patronat et dans l'état-major, de trouver un homme fort qui remettrait de l'ordre dans le pays. Depuis les journées de juillet, le climat politique a considérablement évolué. Désormais, les groupes de pression conservateurs � la Société pour la renaissance économique de la Russie, l'Union des grands propriétaires, l'Union des officiers de l'armée et de la flotte � occupent le premier rang dans les allées du pouvoir. Un pouvoir divisé, où de profondes rivalités mettent aux prises civils et militaires aspirant à la dictature, alors même que les piliers sur lesquels repose l'État � la justice, l'armée, l'administration � sont ébranlés sous les coups d'une révolution multiforme en marche.
Résolu à être le Bonaparte de la révolution russe et à éradiquer le « jacobinisme bolchevique », Alexandre Kerenski prend une série de mesures autoritaires : restauration de la peine de mort sur le front, limitation des droits des comités de soldats, envoi de troupes pour réprimer les révoltes agraires. Face à Kerenski, compromis aux yeux des conservateurs par ses liens avec le soviet de Petrograd et par son passé de révolutionnaire, même modéré, le haut commandement, les milieux patronaux et les Alliés, de plus en plus inquiets de voir la Russie sombrer dans l'anarchie, misent sur le général Lavr Kornilov commandant en chef des armées.
La rivalité entre Kerenski et Kornilov, tous deux prétendants au rôle de restaurateur de l'ordre, éclate en plein jour lors de la conférence d'État consultative qui réunit à Moscou, du 12 au 20 août 1917, représentants du patronat, des syndicats, des groupes professionnels, des officiers, des Églises et des partis politiques (bolcheviks exceptés). Lors de cette conférence qui prétend restaurer l'autorité de l'État et des groupes constitués face aux soviets et autres innombrables comités (d'usine, de quartier, de femmes, de salut public, etc.) surgis de la base au cours des événements révolutionnaires, Kornilovprend l'avantage sur Kerenski en présentant un programme radical : dissolution de tous les comités révolutionnaires, fin de toute intervention de l'État dans les domaines économique et social, militarisation des chemins de fer et des usines d'armement, rétablissement de la peine de mort à l'arrière... Appuyé par le corps des officiers et par les conservateurs, Kornilov exige, le 26 août, un remaniement ministériel. Tandis que les ministres constitutionnels-démocrates démissionnent, Kerenski démet le généralissime Kornilov de ses fonctions. Mais celui-ci, qui avait déjà fixé au 27 août la date de son putsch, fait avancer ses troupes sur Petrograd. Dans l'épreuve de force qui s'engage, les bolcheviks manifestent leur « solidarité révolutionnaire » envers le gouvernement. Dénonçant le putsch, mettant à profit leur expérience de la clandestinité, ils contribuent, grâce à leurs relais parmi les cheminots et les comités de soldats, à enrayer l'avancée du généralissime. Ses dirigeants libérés, le parti bolchevique fait une rentrée spectaculaire sur la scène politique. Le soulèvement armé dans Petrograd, sur lequel comptait Kornilov, n'a pas lieu. En quarante-huit heures, le putsch est annihilé et le général Kornilov est arrêté. Sur le plan politique, l'échec du putsch renverse radicalement la situation. Les constitutionnels-démocrates, qui ont ouvertement soutenu Kornilov, sont discrédités. Les bolcheviks apparaissent comme ceux qui ont sauvé la révolution. Quant à Kerenski, en apparence vainqueur de l'affrontement entre civils et militaires, il est en réalité déstabilisé. Il ne peut plus, en effet, compter ni sur le haut commandement, ni sur les relais traditionnels d'un pouvoir d'État en déliquescence.
Tandis que militaires et civils s'affrontent pour le contrôle du sommet de l'État, le pays s'enfonce dans le chaos. L'armée se décompose. Alors que les Allemands accentuent leur pression (Riga tombe le 21 août), mutineries et désertions s'étendent. Des centaines d'officiers, soupçonnés d'être des contre-révolutionnaires, sont arrêtés par leurs soldats. En septembre, le nombre de déserteurs atteint plusieurs milliers, voire dizaines de milliers par jour. Les rumeurs de partage des terres accélèrent la débandade des paysans-soldats. À l'approche des semailles d'automne, les troubles dans les campagnes, attisés par le retour au village de déserteurs armés, deviennent de plus en plus violents. Les comités agraires, dominés par les notables et l'intelligentsia rurale, sont débordés par une base de plus en plus impatiente de procéder au « partage noir ». À partir de la fin août, les paysans partent à l'assaut de milliers de domaines seigneuriaux, systématiquement mis à sac et brûlés, pour en chasser « une fois pour toutes » le propriétaire foncier honni. En priorité dirigée contre les grands propriétaires, massacrés quand ils se trouvent sur les lieux, la violence paysanne se déchaîne aussi contre les koulaks (paysans aisés) qui avaient quitté la commune paysanne à la faveur des réformes de Stolypine pour s'installer sur un lot remembré, en pleine et entière propriété. Les koulaks doivent rétrocéder au pot commun les terres que l'assemblée paysanne juge en surplus par rapport à la norme égalitaire, calculée en fonction des bouches à nourrir. L'immense jacquerie paysanne qui embrase à l'automne 1917 l'Ukraine et les provinces de Tambov, Voronej, Saratov, Toula, Orel, Riazan, provinces où la « faim de terre » est la plus forte, apparaît comme l'aboutissement d'un grand cycle de révoltes commencé au début du siècle. Cette révolution paysanne, qui suit, dans sa temporalité comme dans son déroulement, sa propre voie, autonome, plus proche du populisme que du bolchevisme, déstabilise profondément un pouvoir politique déjà affaibli, qui n'a plus d'armée ni de police pour assurer la protection des biens et des personnes.
Dans les villes, le climat social se durcit. L'économie sombre, les prix flambent, le chômage touche près d'un ouvrier sur deux. Pour le monde du travail, le salut ne peut venir que du contrôle ouvrier, de la nationalisation des entreprises, du passage du pouvoir aux soviets. L'indéniable radicalisation des masses populaires, urbaines et rurales signifie-t-elle leur bolchevisation ? Pas nécessairement. Tous les mécontents n'adhèrent pas au parti bolchevique, qui, bien qu'en forte croissance, ne compte guère plus de 150 000 membres en octobre 1917 (24 000 en février). Néanmoins, dans le vide institutionnel de l'automne de 1917, où toute autorité étatique a disparu, ayant cédé la place à une multitude de comités et de soviets, il suffit qu'un noyau bien organisé agisse avec détermination pour exercer aussitôt une autorité disproportionnée à sa force réelle.

I.6. Octobre 1917 : révolution ou coup d'État ?

Depuis près de quatre-vingts ans, la prise du pouvoir par les bolcheviks, le 25 octobre 1917, fait l'objet d'interprétations radicalement différentes. Pour une école d'historiens, que l'on peut qualifier de « libérale » (Richard Pipes, Martin Malia), les événements d'octobre 1917 n'ont été qu'un coup d'État perpétré par un groupuscule minoritaire, résultat d'une habile conspiration tramée à la faveur de désordres sociaux par une poignée de fanatiques dépourvus de toute assise réelle dans le pays. À l'opposé, l'historiographie soviétique a tenté de démontrer que la « grande révolution socialiste d'Octobre » avait été l'aboutissement logique, inéluctable, d'un itinéraire libérateur entrepris par les masses consciemment ralliées au parti bolchevique, moteur de l'Histoire. Rejetant ces deux vulgates, un troisième courant historiographique a tenté d'expliquer, comme l'écrivait en 1977 son pionnier Marc Ferro, que « l'insurrection d'octobre avait pu être à la fois un mouvement de masse et que seul un petit nombre y avait participé ».
La prise du pouvoir par les bolcheviks, minutieusement préparée selon l'art le plus consommé de l'insurrection, a été rendue possible par le fait qu'une vaste révolution sociale, multiforme (dans l'armée, dans les milieux ouvriers, dans les campagnes, parmi les nationalités) avait, depuis plusieurs mois, ébranlé les institutions traditionnelles, sapé les fondements mêmes de l'État. Durant un bref mais décisif instant, l'action des bolcheviks, minorité politique agissant dans le vide institutionnel ambiant, alla dans le sens des aspirations du plus grand nombre : la terre, la paix, le contrôle ouvrier, tout le pouvoir aux soviets, l'émancipation des nationalités. Momentanément, coup d'État politique et révolution sociale confluèrent, avant de diverger, ouvrant la voie à un affrontement entre la société et le nouveau régime, et, à terme, à des décennies de dictature politique.
Dans la préparation de la prise du pouvoir, le rôle de Lénine apparaît décisif. Dès la mi-septembre, de son exil finlandais, Lénine rédige, à l'adresse du comité central bolchevique, lettre sur lettre (« Les bolcheviks doivent prendre le pouvoir », « Marxisme et insurrection ») condamnant le légalisme révolutionnaire des dirigeants bolcheviques, qui, à l'instar de Kamenev et de Zinoviev, échaudés par l'amère expérience des journées de juillet, prônent la prudence et condamnent tout aventurisme. Pour Zinoviev et Kamenev, il n'est pas nécessaire de brusquer les événements : les soviets des grandes villes se « bolchevisent » rapidement (Trotski a été élu, le 9 septembre, à la tête du comité exécutif du soviet de Petrograd) ; le IIe congrès panrusse des soviets, convoqué pour le 20 octobre 1917, aura, sans nul doute, une majorité bolchevique et socialiste-révolutionnaire hostile au gouvernement provisoire et favorable au passage de tout le pouvoir aux soviets. Face à l'attentisme d'une partie des dirigeants bolcheviques, Lénine veut, à tout prix, forcer la marche de l'Histoire (« Il serait naïf d'attendre une majorité formelle [�] en faveur des bolcheviks. Aucune révolution n'attend ça [...] L'Histoire ne nous pardonnera pas si nous ne prenons pas maintenant le pouvoir... »). Si le transfert du pouvoir se faisait à la suite d'un vote du IIe congrès des soviets, constate Lénine, le gouvernement qui en serait issu serait nécessairement un gouvernement de coalition, regroupant toutes les forces révolutionnaires. Les bolcheviks devraient partager le pouvoir avec les autres formations socialistes, largement majoritaires dans l'ensemble du pays : mencheviks et surtout socialistes-révolutionnaires, bien implantés dans les campagnes et dans les armées. Aussi, pour Lénine, est-il indispensable que les bolcheviks conquièrent seuls le pouvoir à l'issue d'une insurrection militaire, avant la convocation du congrès des soviets.
Au début d'octobre, Lénine revient clandestinement à Petrograd. Le 10 octobre, après dix heures de discussions, il parvient à convaincre la majorité des membres du comité central de la nécessité d'une insurrection armée, dont le principe est approuvé par dix voix contre deux (celles de Zinoviev et de Kamenev). Toutefois, aucune mesure pratique n'est prise avant le 16 octobre, date à laquelle se réunit un comité central élargi, qui vote un texte appelant à l'insurrection. Ce même jour, agissant en tant que président du soviet de Petrograd, Trotski met sur pied un Comité militaire révolutionnaire de Petrograd, noyauté par les bolcheviks. C'est sous le couvert du soviet, qui reste l'organe le plus populaire auprès des masses, qui aspirent au pouvoir des soviets, que les bolcheviks dirigeront leur coup d'État. Le scénario est prêt, l'insurrection imminente. Le secret n'est même pas tenu : en effet, aussitôt après la réunion du 16 octobre, Zinoviev et Kamenev ont rendu publique leur position dans le journal dirigé par Maxime Gorki, La Vie nouvelle. Face à ces préparatifs, Kerenski, mal informé par le haut commandement sur l'état et le moral des troupes, sous-estime la menace bolchevique. Loin de redouter le coup d'État qui se prépare, il l'appelle de ses v�ux, persuadé qu'il pourra sans difficultés anéantir une fois pour toutes les bolcheviks. L'épreuve de force débute le 22 octobre, lorsque la garnison de Petrograd se rallie au Comité militaire révolutionnaire de Petrograd. Privé de troupes, Kerenski ne peut s'appuyer que sur les élèves officiers pour résister à l'insurrection qui éclate le 24 au soir, quand les détachements du Comité militaire révolutionnaire de Petrograd � quelques milliers de gardes rouges, de matelots de Kronstadt et de soldats � s'assurent sans rencontrer de résistance le contrôle des points stratégiques de la capitale. Tandis que Kerenski quitte Petrograd à la recherche de renforts, Lénine annonce, le 25 octobre, à 9 h 45 du matin, que « le gouvernement provisoire a été déposé » et que « l'autorité gouvernementale est passée aux mains de l'organe du soviet des députés ouvriers et soldats de Petrograd, le Comité militaire révolutionnaire ». Dans la nuit, alors que les insurgés se sont emparés du palais d'Hiver, où se sont retirés les ministres, après avoir surmonté sans peine la résistance des cadets et du bataillon féminin qui constituent l'unique et dérisoire défense d'un gouvernement impuissant, s'ouvre le IIe congrès panrusse des soviets. Après avoir condamné la « conspiration militaire organisée derrière le dos des soviets », mencheviks et socialistes-révolutionnaires quittent la salle. Restés en nombre aux côtés de leurs seuls alliés, le petit groupe des socialistes-révolutionnaires de gauche, les bolcheviks font ratifier leur coup de force par le congrès, qui vote un texte rédigé par Lénine, attribuant « tout le pouvoir aux soviets ». Cette résolution formelle permet aux bolcheviks d'accréditer une fiction qui abusera des générations de naïfs : ils gouvernent au nom du peuple dans le « pays des soviets ».
Avant de se séparer, le IIe congrès des soviets entérine la constitution d'un gouvernement exclusivement bolchevique, le Conseil des commissaires du peuple, présidé par Lénine, et approuve les décrets sur la paix et sur la terre.
Bien avant 1917, Lénine avait jugé indissociables la prise du pouvoir par les bolcheviks, la fin de la « guerre impérialiste » et sa transformation en une guerre civile, et le déferlement d'une révolution prolétarienne en Europe. Aussi, le « Décret sur la paix » apparaît-il comme un acte fondateur. Se situant délibérément hors des normes de la diplomatie traditionnelle, il témoigne de la volonté de Lénine de bouleverser l'ordre international, dans la perspective utopique d'une révolution mondiale : il s'adresse, en effet, non pas aux États, mais aux « peuples épuisés » appelés à « ouvrir sans délai les négociations pour une juste paix démocratique [...] sans annexions ni contributions ». Fondé sur l'utopie d'une révolution imminente à l'échelle de l'Europe entière et en premier lieu de l'Allemagne, pays où le prolétariat était le plus « avancé », le pari bolchevique d'une paix générale est rapidement perdu. En quelques semaines, les bolcheviks doivent se rendre à l'évidence : la sortie du grand conflit mondial, étape obligée pour sauvegarder le régime, passe par le plus humiliant traité que la Russie ait jamais signé : le traité de Brest-Litovsk (3 mars 1918), qui entérine la perte des territoires les plus riches de l'ex-empire tsariste, producteurs, avant-guerre, du tiers de l'acier et du blé russes
Second texte majeur adopté par les bolcheviks : le « Décret sur la terre », qui prévoyait l'abolition, sans indemnité, de la propriété privée et la mise à disposition des terres aux comités locaux. Ce texte capital ne faisait, en réalité, que légitimer ce que de nombreux comités avait spontanément entrepris depuis l'été de 1917. En acceptant la redistribution des terres, le « partage noir », en empruntant aux socialistes-révolutionnaires leur programme agraire, les bolcheviks, qui avaient toujours été partisans d'une nationalisation des terres et de l'instauration de formes collectives d'exploitation, s'assuraient momentanément le soutien de l'immense majorité de la paysannerie. Mais ce soutien était fondé sur un grave malentendu : pour Lénine, les paysans restaient avant tout des « petits propriétaires » rechignant à livrer leur production aux villes affamées, seuls bastions du bolchevisme dans l'océan paysan de la Russie. Dès le printemps de 1918, les rapports entre le nouveau pouvoir et la paysannerie se dégradèrent.
Pour les « masses en révolution » depuis le début de l'année 1917, comme pour les dirigeants bolcheviques qui s'étaient emparés du pouvoir selon la maxime napoléonienne « On s'engage... et puis on voit », octobre 1917 n'était qu'une étape, davantage un détonateur qu'une fin en soi, dans la perspective d'une révolution européenne, voire mondiale. Mais aussi, avec le recul de l'histoire, un jalon dans un grand cycle de crises, ouvert en 1914, et qui ne se referma, dans l'ex-empire tsariste devenu U.R.S.S., qu'en 1922, à l'issue de huit années de guerre, de révolution et de guerres civiles, de terreur et de famine, de « luttes des classes » et de « communisme de guerre ».

II. L'U.R.S.S.

Depuis le début des années 1990, la disparition de l'U.R.S.S., l'accès aux sources historiques, la libération de la mémoire ont ouvert une nouvelle étape qui permet de mieux comprendre le passé récent, mais encore largement méconnu d'un des pays qui ont le plus marqué l'histoire du XXe siècle. Rarement illusions, erreurs de jugement ont été aussi largement partagées. L'accès fermé aux documents, la forte charge politique, idéologique, émotionnelle qu'a représentée, durant la majeure partie du XXe siècle, un pays qui se présentait lui-même comme radicalement différent, ont déréglé les pendules du temps historique, soumis kremlinologues et soviétologues à de redoutables tentations, entre la recherche des « secrets du Kremlin » et celle d'un modèle théorique qui permettrait de trouver une cohérence globale au « système soviétique ».
Les approches globalisantes des uns et des autres ont souvent souffert d'abstraction. Partant de l'idée d'un État tout-puissant exerçant un contrôle absolu sur une société atomisée, devenue docile à la suite d'un endoctrinement massif, le modèle totalitaire en est venu à négliger nombre de composantes de la réalité historique de ce que l'on pourrait, à juste titre, appeler la « période soviétique de l'histoire russe » : le tissu social, la culture et les contre-cultures qui modèlent, souvent plus que les dogmes officiels, les relations entre la société et l'État, les espaces d'autonomie du social et du démographique, plus nombreux qu'on ne l'a souvent écrit. Loin d'avoir été un système figé, résultat d'un processus historique maîtrisé par un parti-État omnipotent, le « système soviétique » a évolué, passant d'un système totalitaire sous Staline à un système que l'on pourrait qualifier d'autoritaire au cours des trois décennies de « sortie du totalitarisme » (milieu des années 1950-milieu des années 1980) qui ont précédé l'implosion de l'U.R.S.S.. S'impose alors la problématique du « changement de modèle », qui seule permet de conceptualiser un cheminement historique dynamique, riche en virages, en volte-face, en débats, en alternatives, en évolutions. La situation nouvelle créée par la disparition de l'U.R.S.S. et l'ouverture d'une partie de ses archives devrait permettre, sans pour autant banaliser le parcours extraordinairement tragique, paroxystique, de la période soviétique de l'histoire russe, de mieux comprendre l'évolution d'un système moins monolithique qu'on ne l'a généralement présenté, mais néanmoins incapable de se réformer en profondeur sans perdre sa spécificité.

II.1. Les difficiles premières années du régime (fin 1917-1921)

II.1.1. La mise en place de la dictature bolchevique

« Une fois que nous aurons pris le pouvoir, nous ne le lâcherons plus », avait annoncé Lénine.
Dès la fin d'octobre 1917, les bolcheviks, qui viennent de prendre le pouvoir, le 25, à l'issue d'un coup d'État, prennent un certain nombre de mesures autoritaires : fermeture des journaux « bourgeois », contrôle de la radio et du télégraphe, arrestation de personnalités des partis d'opposition, tant « bourgeois » que socialistes. Le 28 novembre, les membres du Parti constitutionnel-démocrate sont proscrits comme « ennemis du peuple », une notion inédite et lourde de conséquences. Le 7 décembre est créé la Tcheka (Commission extraordinaire panrusse de lutte contre la contre-révolution, la spéculation et le sabotage), véritable police politique du nouveau régime, ancêtre du K.G.B. Le 19 janvier 1918, le gouvernement bolchevique fait dissoudre l'assemblée constituante, réunie la veille. Les élections à la Constituante, prévues dès le printemps 1917, ont donné la majorité aux socialistes-révolutionnaires (plus de 40% des suffrages exprimés, contre 22% aux bolcheviks). Pour Lénine, le suffrage universel, source de « majorités formelles », doit s'incliner devant le « droit suprême » le succès de la révolution, incarnée par les bolcheviks et légitimée par la marche en avant de l'histoire.
Après avoir dissous l'assemblée, le gouvernement restreint les prérogatives du Congrès des soviets, réduit l'autonomie de toutes les institutions nées au cours des révolutions de 1917 des soviets, comités d'usine, syndicats, gardes rouges, comités de quartier qui avaient participé à la fois à la destruction des institutions traditionnelles et lutté pour l'affirmation et l'extension de leur propre compétence. Première des revendications ouvrières, le «contrôle ouvrier » des travailleurs sur la gestion des entreprises est rapidement écarté au profit d'un contrôle de l'État, dit « ouvrier », sur les entreprises.
Une incompréhension mutuelle s'installe entre les ouvriers, obsédés par le chômage, la dégradation continue de leur pouvoir d'achat, la faim, et un gouvernement désireux, par souci d'efficacité économique, de fixer des limites à l'autogestion et de procéder aux premières nationalisations. Dès le mois de décembre 1917, le nouveau régime doit faire face à une vague de revendications salariales et de grèves politiques, menées par l'opposition socialiste (mencheviks et socialistes-révolutionnaires) qui proteste contre la mainmise totale des bolcheviks sur le pouvoir. En quelques semaines, les bolcheviks perdent l'essentiel du capital de confiance qu'ils avaient accumulé, dans une partie du monde ouvrier, durant l'année 1917.

II.1.2. De la guerre impérialiste à la guerre civile

La conclusion de la paix est une priorité pour les bolcheviks. Sans paix, c'est l'avenir même de la révolution russe et de la révolution mondiale qui est menacé. Un armistice est conclu le 15 décembre 1917 avec les Puissances centrales, mais le traité de Brest-Litovsk n'est signé que le 3 mars 1918, à la suite de tractations dramatiques pour des dirigeants bolcheviques profondément divisés sur la tactique à mener face aux exigences croissantes des Empires centraux. La majorité est en faveur de la poursuite d'une « guerre révolutionnaire ». Léon Trotski, alors commissaire du peuple aux Affaires étrangères, propose de prolonger indéfiniment les négociations jusqu'au point de rupture, puis d'annoncer que la Russie se retire de la guerre, mais ne signe pas la paix. Face à cette position utopique, Lénine prône l'acceptation, aussi dure fût-elle, des

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